PLF 2021 : un texte loin d'être ambitieux pour l'éducation

Le document de politique transversale PLF 2021 relatif à la politique française en faveur du développement, censé informer de la répartition budgétaire de l’aide internationale française vient d’être publié. La Coalition Éducation salue l’annonce d’une hausse de la part des financements pour l’éducation dans l’aide bilatérale qui devrait atteindre 12,4% d’ici 2021. Toutefois, elle interpelle la France sur le manque d’information détaillée et de transparence du document, ne permettant ni de garantir l’orientation des fonds vers les besoins éducatifs prioritaires des populations ni d’assurer le suivi des engagements. Par ailleurs, ce texte révèle un décalage avec ses objectifs initiaux en présentant davantage le bilan des années 2018 et 2019 que les prévisions budgétaires pour 2021. 

La Coalition Éducation regrette l’absence d’engagements financiers en faveur de l’éducation de base - pourtant priorité affichée du CICID - qui représente seulement 13,4% de l’aide bilatérale à l’éducation en 2018 [1]. Une part largement insuffisante au regard de son importance pour répondre aux besoins éducatifs fondamentaux. D’autant plus inquiétant que les seules précisions du rapport sur la trajectoire de l’aide à l’éducation sont :

  • l’augmentation du budget alloué à l’AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger) qui, si elle peut être saluée, ne s'inscrit pas dans l’aide sectorielle aux systèmes éducatifs des pays les plus pauvres ;
  • l’augmentation des crédits de paiement pour les formations supérieures et la recherche universitaire principalement dans le cadre de la stratégie d’attractivité « Bienvenue en France » qui a pour objectif d’accueillir 500 000 étudiant.e.s internationaux en 2027, contre 325 000 aujourd’hui et la hausse du budget enseignement supérieur et recherche qui couvre plus généralement les bourses de l’enseignement supérieur à destination des pays en développement.

Nous reconnaissons l’importance de telles mesures afin d’améliorer l’accueil d’étudiant.e.s issu.e.s des pays en développement, toutefois nous insistons sur le déséquilibre prégnant au sein de l’APD éducation, avec les bourses et les frais d’écolage qui représentent plus de 74%, dont 17% seulement ont bénéficié aux pays pauvres prioritaires en 2018. La France ne devrait officiellement comptabiliser dans l’APD que les bourses et les frais d’écolage dirigés vers les 19 pays prioritaires de l’aide française. Les autres bourses doivent être réparties sur d’autres lignes, notamment les lignes réellement réservées à la coopération universitaire, à la recherche et à l’enseignement supérieur. 

Par ailleurs, la reconstitution des fonds du Partenariat mondial pour l’éducation - qui se tiendra en 2021 - ne figure également pas dans le document, alors qu’elle représente un temps majeur pour l’éducation dans le monde sur les cinq prochaines années, d’autant plus important dans le contexte de crise de la Covid19, qui ébranle fortement les systèmes éducatifs des pays partenaires. 

Nous saluons l’accroissement de l’aide humanitaire bilatérale et multilatérale, qui devrait être portée à 500 M€ en 2022. Nous rappelons l’urgence d’augmenter l’aide humanitaire à l’éducation, y compris à travers une contribution au fond Education Cannot Wait qui vise à mobiliser 1,8 milliard de dollars d’ici à 2021, afin de répondre aux besoins urgents éducatifs des 75 millions d'enfants et de jeunes qui vivent dans 35 pays touchés par une crise. 

Nous sommes préoccupés de ne voir aucune référence à l’éducation dans la réponse de la France à la Covid19 - alors que l'éducation est un outil puissant de prévention, sensibilisation et formation à la santé - et par le risque de diminution de la part du Fond Européen de Développement pour l’éducation de 4% à 2% d’ici à 2023 qui serait dû aux réorientations de crédits sur la réponse sanitaire et socio-économique. L’éducation, formelle et non formelle, et la formation, dans les situations d’urgence, doivent être intégrées dans la réponse à la Covid19 afin d’assurer le droit à l’éducation pour tou.te.s !

Le renforcement du dispositif public de mise en oeuvre de l’APD française, en France et dans les pays partenaires, nous semble constituer un maillon indispensable à la qualité donc efficacité de l’aide au développement. Dans ce contexte, l’opérateur du ministère de l’Education nationale, France Education international, devrait être cité.

Nous réitérons notre recommandation principale qui doit guider les prochains arbitrages budgétaires APD mais également les futurs PLF : la part de l’aide allouée à l’éducation de base doit progressivement atteindre 50 % de l’aide bilatérale totale à l’éducation. Et ce, afin d’être en cohérence avec l’Objectif de développement durable 4 et l’engagement de ne laisser personne pour compte, les priorités politiques affichées et les besoins prioritaires des populations.

 

NOTE

 [1] Aide française à l’éducation : des avancées en demi-teinte, juin 2020, Coalition Education