CDE : Nexus humanitaire-développement : comment garantir la continuité des financements?

Le financement de l’éducation est un défi mondial majeur en 2025, marqué par des coupes budgétaires et une réduction des financements internationaux. Dans le cadre du cycle « Champions de l’Éducation » 2025, plusieurs experts analyseront les tendances actuelles et les solutions pour un financement adéquat de l’éducation.

Après une première session dédiée aux modalités de financement des systèmes éducatifs (13 mars), la deuxième session du 12 juin a porté sur le Nexus humanitaire-développement : comment garantir la continuité des financements éducation?. 


La continuité des financements entre les approches humanitaires (centrés sur l’urgence, sont limités dans le temps) et les approches développement (plus pérenne et dont les fonds sont structurants, sont longs à mobiliser et parfois inadaptés aux contextes d’instabilité) est en effet un enjeu crucial pour garantir le droit à l’éducation. Une discontinuité  des financements peut engendrer des ruptures dans les parcours éducatifs.

La session a été introduite par le Dr Alison Joyner de NORRAG qui a proposé un cadrage sur la notion de nexus sous l'angle du financement de l'éducation. Elle a rappelé que dans une approche nexus  «les ONGs, autorités locales, à tous les niveaux, participent  et ont le contrôle sur les décisions qui les impactent». Dans une perspective de financement, une approche nexus est une approche intersectionnelle où plusieurs types de financements se répondent à l’inverse d’une approche en silo. Elle a ensuite présenté quelle était l’approche nexus des principaux fonds Education Cannot Wait, Partenariat Mondial pour l’Éducation, ECHO, OCHA. À noter que la tendance est à la baisse au niveau des financements éducation et qu’il y a une re-priorisation des financements humanitaires vers d’autres secteurs au détriment de l’éducation : une baisse de -37 % de fonds éducation, soit davantage que la moyenne des autres secteurs (-30 %), avec pour conséquence une chute alarmante de 43 % du nombre de bénéficiaires, contre seulement 17 % pour les autres grands secteurs (Santé, Eau, Assainissement et Hygiène, Nutrition, Logement, Protection). [Présentation PPT]

L’exemple d’ECHO et témoignage de Plan International Cameroun : présentation et enjeux de complémentarité avec les autres bailleurs

Kamila Partyka, policy officer a présenté les défis et enjeux du nexus dans les financements ECHO ( Direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes).  Elle a notamment insisté sur le fait que l’Union Européenne s’engage à allouer 10% de ses financements humanitaires à l’éducation. Elle a rappelé que la localisation est un élément crucial de développement. Cette capacité locale permet également de soutenir l'éducation en cas de crise et de préparer une stratégie de sortie. Pour vraiment transférer tout ce qui est l'approche humanitaire, en quelque sorte, en des réponses qui ont un plus long terme et qui sont beaucoup plus dans la durabilité. Le nexus demande également une grande volonté politique et opérationnelle des acteur.rice.s. Elle a ensuite présenté deux exemples de nexus en République Démocratique du Congo et en Ukraine mis en place par l’UE. [Présentation PPT]

Emilia Sorrentino de Plan International Cameroun a ensuite présenté l’approche nexus au Cameroun avec un projet de Plan International bénéficiant d’un double financement ECHO et Education Cannot Wait. Elle est notamment revenue sur les leçons apprises par ce projet qui ont permis de formuler des recommandations: 

  • La coordination améliore l'impact
  • Un financement prévisible et flexible est essentiel pour assurer la continuité dans les situations de crise
  • Les modificateurs de crise ont permis des réponses adaptées et rapides 
  • La planification et l'évaluation conjointes entre les bailleurs, le gouvernement et les partenaires sont essentielles
  • Le plaidoyer conjoint soutient la mise en œuvre des politiques

[Présentation PPT]

L’exemple de l’instrument Paix et résilience Minka de l’Agence Française de Développement : présentation et évolution

Corinne de Peretti, responsable projets crises et conflits a présenté l’instrument Minka qui existe au sein de l'AFD depuis 2017 pour travailler sur la réponse aux crises. Minka est un instrument permettant l’octroi de subventions dédiées à la fois à la prévention et à la réponse aux crises et conflits violents.  Minka s'efforce d'avoir une concertation étroite sur tous les territoires dans lesquels l’instrument intervient pour vraiment articuler les opérations de l'AfD et les opérations du Centre de crise et de soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. L’instrument Minka est fortement impacté par les coupes budgétaires et un moindre portage politique : l’enveloppe allouée à Minka représente aujourd’hui environ 20% des subventions du programme 209 alloué à l’AFD mais ces subventions sont en forte baisse. Sur Minka, il n'y a pas un pilotage existant par secteur, mais il y a cinq secteurs qui sont les plus importants:  33 %, pour l'agriculture, 15% pour l'eau et l'assainissement, 5% pour la gouvernance, 13% pour l'éducation- insertion professionnelle et 13% pour la santé pour 13%. [Présentation PPT]

Cas pratique d’ASMAE au Liban 

Natacha Seret, responsable Missions & Projets pour l’association ASMAE, Soeur Emmanuelle a présenté comment Asmae a transformé un projet de développement au Liban en action d’urgence humanitaire et quels ont été les enjeux et défis autour de la flexibilité du bailleur. Elle est notamment revenue sur les leçons tirées de cette expérience:

  • l’importance d’être inséré dans les réseaux (en amont) et malgré l’urgence, prendre le temps d’analyser les actions complémentaires menées par les autres acteurs dans les mêmes zones
  • lenteur “structurelle” d’Asmae, ses partenaires et les financeurs compensée par la volonté d’agir et une forte réactivité
  • capacité d’action et connaissance des actions d’urgence par nos partenaires centrale
  • nécessaire remodelage de nos actions / du contenu : actions purement d’éducation ou de formation suspendues un temps pour proposer des activités d’urgence (kits, aide alimentaire)
  • financements de la MNP/OSC (AFD) sans “crisis markers” : pas d’agilité sans la soumission de demande dûment justifiée.
  • bailleurs privés en accord avec tous les changements proposés
  • action à échelle modeste, mais en accord avec notre taille, nos capacités, au plus proche des besoins identifiés, sentiment d’utilité.

[Présentation PPT]

Conclusion


En conclusion, Michelle Perrot, directrice plaidoyer et engagements des jeunes de Plan International France a souligné l’urgence de préserver le droit à l’éducation, menacé par un environnement financier de plus en plus contraint. Le risque de dépriorisation de l’éducation dans les réponses humanitaires a été clairement évoqué, alors même que les besoins ne cessent de croître. L’importance d’un leadership local et d’une meilleure coordination entre tous les acteurs du financement de l’éducation a été mise en avant. Elle a rappelé que la Coalition Éducation plaide pour des financements flexibles, adaptables,  pluriannuels et accessibles aux ONG locales. À l’approche de la conférence de Séville, un appel fort a été lancé pour que la France et ses partenaires tiennent leurs engagements : l’éducation, droit fondamental, ne peut être reléguée au second plan.

 

 

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