L'éducation dans la politique internationale française : des signaux positifs mais des attentes fortes

À la suite des rencontres tenues avec Matignon (7 avril), le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (10 avril) et la publication du relevé de décisions du Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux (CPPI) le 6 avril, la Coalition Éducation salue la place accordée à l’éducation dans les discours stratégiques récents. Cependant, plusieurs incertitudes demeurent quant à la traduction concrète de ces orientations, et les moyens qui y seront alloués.

En avril 2025, la Coalition Éducation, au côté de l’Unicef France, a eu plusieurs échanges de haut niveau avec les autorités françaises, notamment avec les cabinets de Matignon et du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE). Ces rencontres ont permis de faire un point d’étape crucial sur les orientations de la France en matière d’éducation dans sa politique de coopération, dans un contexte budgétaire et international alarmant.

Si les messages réitèrent un attachement fort à l’éducation, notamment de base, plusieurs évolutions soulèvent des interrogations quant à la cohérence entre les engagements politiques et les moyens mobilisés.

L’éducation réaffirmée comme priorité… sous contrainte

Le message est clair et officiel : l’éducation, en particulier l’éducation de base, demeure une priorité pour la France dans sa politique de coopération internationale. Les conclusions du dernier CPPI l’affirment ainsi que les représentant.e.s de Matignon et du MEAE, tout en soulignant les contraintes budgétaires pesant sur les choix à venir. La mise en œuvre concrète de ces priorités reste suspendue aux arbitrages du Projet de Loi de Finance 2026 et aux dynamiques de redéfinition des instruments d’aide.

Les représentant.e.s de Matignon et du MEAE ont également réaffirmé l’importance du Partenariat Mondial pour l'Éducation dans la stratégie de la France et la volonté de maintenir son soutien lors de la prochaine reconstitution du fonds, en 2026. La France s’engage également à porter des messages forts sur l’éducation dans les instances multilatérales, notamment lors de la Conférence de Séville (juillet 2025).

Une bascule vers une logique d’impact et d’investissement

Une évolution majeure a été confirmée : l’abandon de la référence aux 0,7 % du RNB pour l’aide publique au développement, au profit d’Investissement solidaire et durable (ISD). Ce glissement s’accompagne d’un recentrage sur des indicateurs d’impact, en lieu et place des volumes alloués par secteur.

La Coalition Éducation s’inquiète des risques de cette approche pour le secteur éducatif, notamment dans les contextes de crise, si les indicateurs privilégient une logique d'efficacité à court terme au détriment des besoins structurels.

Crises, climat, éducation : une volonté affichée mais des objectifs flous

L’éducation en situations de crise est bien identifiée comme priorité de la stratégie humanitaire française. Le MEAE en reconnaît la centralité, notamment face aux besoins fondamentaux liés aux conflits, au climat et à l’instabilité. Toutefois, les indicateurs sont encore à l’état de réflexion, et les financements spécifiques manquent de lisibilité. La Coalition Éducation appelle à une clarification rapide des moyens alloués à cette priorité, alors même que les besoins explosent.

Le lien entre climat et éducation a été reconnu par le MEAE notamment dans le cadre de la Stratégie internationale de la France en matière d'éducation de base 2024-2028, et des opportunités identifiées (10 ans de l’Accord de Paris, réunion du GIEC en fin d’année à Paris, etc.) afin de renforcer le nexus éducation-climat. La dimension éducative du climat - notamment le rôle de l’éducation dans la transition écologique et la résilience des systèmes éducatifs face aux crises climatiques - reste, néanmoins, insuffisamment structurée à ce jour dans les politiques françaises. La Coalition Éducation appelle à ancrer durablement l’éducation dans les politiques climatiques françaises, sur le plan international.

Prochaine étape : le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) devrait se tenir d’ici fin juin afin de préciser les orientations du CPPI. Le MEAE a exprimé sa volonté d’associer la société civile à la construction des indicateurs du CPPI, y compris la révision de celui dédié à l’éducation. La Coalition Éducation appelle à ce que cette intention ne reste pas symbolique. 

Face à ces constats, la Coalition Éducation appelle les autorités françaises à :

  • Reprendre une trajectoire ascendante concernant le budget de solidarité internationale, et allouer 10 % de ces financements (hors montants contestés) à l’éducation dont la moitié à l’éducation de base en mettant la priorité sur les pays les moins avancés et l’Afrique subsaharienne ;
  • Intégrer la société civile dans la préparation du CICID et notamment dans l'élaboration des indicateurs relatifs aux 10 priorités de la politique de coopération de la France, en assurant une transparence et une représentativité équilibrée ;
  • Renforcer le suivi des engagements pris dans la Stratégie humanitaire de la France, en matière d’éducation en situations de crise, avec des financements ciblés ;
  • Structurer une véritable stratégie “climat-éducation”, articulée aux engagements climatiques internationaux.