Lac Tchad : l'urgence de l'éducation

Dans son rapport « les filles dans la crise : voix du bassin du lac du Tchad », l’ONG Plan International dresse un état des lieux de la situation de l’éducation des filles dans la région du bassin du Lac Tchad (au nord-est du Nigéria, dans la région du Diffa au Niger, au nord du Cameroun et à l’est du Tchad) [P24 et 25] : pauvreté, violences de genre, absence de cadre scolaire de qualité… expliquent la déscolarisation massive des filles notamment.

Coût d’accès à l’éducation, responsabilités familiales, fermeture des écoles à la suite des conflits, insécurités, mariages précoces et forcés constituent des menaces majeures à la poursuite de l’éducation des adolescentes et des jeunes filles dans la région.

La majorité des filles abandonnent les études après 15 ans

La majorité des jeunes filles abandonnent les études à l’âge de 15 ans, à la fin du premier cycle du secondaire. Au Niger, 65,75 % des filles interrogées dans le cadre de l’étude, âgées de 10 à 14 ans, étaient scolarisées, contre seulement 29,33 % de celles âgées de 15 à 19 ans. Au Cameroun, le taux de scolarisation passe de 73,68 % chez les filles interrogées de 10 à 14 ans à un taux de 37,84 % chez celles de 15 à 19 ans.

© Plan International
Rapport « Les filles dans la crise : voix du bassin du lac du Tchad », Plan International, septembre 2018.

Un tiers (29,39 %) des filles interrogées ont indiqué n’avoir jamais été scolarisées, et seulement 8,18 % ont déclaré être allées à l’école pendant 7 ans ou plus. 

Selon l’étude, le décrochage scolaire et la non-scolarisation des filles s’expliquent par plusieurs facteurs.

Même sur le chemin de l’école, nous avons peur.
ADOLESCENTE DE 16 ANS, BAHULI AU NIGERIA

Des obstacles à l’accès à l’éducation très nombreux

La pauvreté et les tâches ménagère sont les principaux obstacles à l’accès à l’éducation. « 25 % des personnes non scolarisées déclarent ne pas aller à l’école à cause des travaux ménagers et des responsabilités familiales » et « 20,83 % des enfants non scolarisés déclarant ne pas avoir les moyens de payer l’école ». « Ces deux facteurs sont intrinsèquement liés, car selon un grand nombre d’adolescentes, les tâches ménagères et les responsabilités familiales qu’elles assument renforcent les capacités d’adaptation de leur foyer et permettent à d’autres membres de la famille de s’engager dans des activités de subsistance. » indique le rapport de Plan International.

La situation économique des parents a un impact spécifique sur les possibilités d’accès à l’éducation des filles à tous les niveaux, et notamment au secondaire. Les filles souffrent de discrimination. Certains parents et tuteurs préfèrent envoyer les garçons à l’école, car ceux-ci deviendront un jour des chefs de famille. Les situations de crise constituent des causes de déscolarisation importante.

[Avant la crise], nous allions à l’école, mais maintenant, il n’y a pas d’argent pour payer les frais de scolarité.
Adolescente de 13 ans à Ndollori au Nigeria

Les coûts de transport, le manque de cahiers et d’uniformes, le manque d’enseignants, la qualité des enseignements, la distance à parcourir pour se rendre à l’école, l’absence de moyens de transport, la fermeture d’écoles à la suite des conflits et la crainte d’attaques par des groupes armés, compromettent également fortement les chances d’aller à l’école. Des adolescentes à Bahuli au Nigeria craignent des attaques et des enlèvements, confiant que, « même sur le chemin de l’école, [elles ont] peur » (adolescente de 16 ans, Bahuli au Nigeria).  « La sécurité à l’école [… peut] constituer un obstacle de taille à l’éducation et s’ajouter au stress psychologique et à d’autres formes d’insécurité. » Le manque d’enseignants nuit à la qualité de l’éducation qu’elles reçoivent. « De plus, les adolescentes déplacées dans leur propre pays au Niger ne peuvent pas aller à l’école, car elles ont perdu leurs papiers d’identité après avoir fui leur village. »  « Selon les adolescentes, les mariages d’enfants, précoces et forcés constituaient également une menace majeure à la poursuite de leur éducation. » rapporte l’ONG.

Des adolescent-e-s, en faveur de l’accès à l’éducation des filles

« Les adolescentes dans la région du lac Tchad considèrent que l’éducation est importante»  « les adolescentes ont indiqué que la poursuite de leur éducation, que ce soit au niveau secondaire ou professionnel, était essentielle à leur bien-être futur. » indique le rapport.

« Les garçons adolescents […soulignent] la nécessité d’instaurer des chances égales. Un garçon adolescent a indiqué qu’en poursuivant leur scolarité, les garçons peuvent être amenés à changer leur comportement et à contribuer à réduire la violence à l’égard des femmes et des filles. Un autre garçon adolescent a déclaré : « Nous avons besoin d’être sensibilisés sur l’effet de la violence contre les filles » (garçon adolescent de 14 ans, à Zarmari au Nigeria). »

 

Depuis 2009, la région du bassin du Lac Tchad est régulièrement la cible d’attaques sanglantes de Boko Haram. Au nord-est du Nigéria, dans la région du Diffa au Niger, au nord du Cameroun et à l’est du Tchad, des millions de personnes sont victimes de déplacements, massacres, malnutrition aigüe et maladies. Les filles en sont les premières victimes. Elles sont au cœur du rapport sur la crise du Lac Tchad de l’ONG Plan International.