L'impact de la Covid-19 sur l'égalité dans l'éducation : appel à l'action

Les écoles peuvent constituer une puissante force d'égalisation​ dans toutes sociétés, mais la pandémie de la Covid-19 risque d'aggraver les inégalités existantes en matière d'éducation. Plus de 190 organisations - dont la Coalition Education - issues de 55 pays appellent à une action audacieuse sur le financement de l'éducation.

 

Image par Thomas Pedrazzoli de Pixabay

Tribune rédigée par David Archer, responsable de la participation et des services publics d'ActionAid.

Au plus fort de la crise sanitaire liée au coronavirus, 1,5 milliard d'enfants étaient temporairement non scolarisés. Pour les enfants privilégiés, cela signifiait un nouveau rythme de travail scolaire en ligne depuis la maison, mais pour les enfants vivant dans la pauvreté, cela signifiait souvent une suspension complète de leur éducation.

Alors que les enfants retournent à l'école ce mois-ci, des dizaines de millions d'entre eux seront confrontés à de nouveaux défis sérieux, soit parce qu'ils ne peuvent pas y retourner - la pandémie pourrait contraindre des millions d'enfants à travailler (UNICEF) - soit parce que les écoles ne sont pas préparées à les accueillir. Les filles sont confrontées à des défis particuliers, avec une augmentation du nombre de grossesses et de mariages précoces déjà enregistrée. Mais les effets les plus graves et les plus durables de la Covid-19 sur l'égalité dans l'éducation sont à venir.

L'UNESCO estime qu'au moins 210 milliards de dollars seront supprimés des budgets de l'éducation l'année prochaine, simplement en raison de la baisse du PIB. La pression exercée pour réaffecter les maigres ressources aux filets de santé et de sécurité sociale pourrait entraîner une réduction de 5 % des budgets de l'éducation, ce qui représente une perte totale de 337 milliards de dollars en dépenses d'éducation - et la Banque mondiale prévoit que des réductions encore plus importantes de 10 % pourraient se profiler à l'horizon.

L'appel à l'action des 190 organisations sur le financement durable de l'éducation post-Covid-19 énonce dix mesures susceptibles de transformer les systèmes éducatifs, faisant de la pandémie un tournant pour accroître l'égalité et l'inclusion, plutôt que d'exacerber les inégalités et l'exclusion.

Coordonné par ActionAid, l'Appel à l'action est issu d'un webinaire de haut niveau et a recueilli un soutien massif de la part des confédérations syndicales, de grandes ONG internationales, de groupes de campagne, d'organisations de défense des droits humains, de mouvements de femmes, de fondations, d'organisations régionales en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les pays arabes, de dizaines de coalitions nationales de l'éducation et d'un large éventail d'ONG nationales et locales.

Cet appel est axé sur le financement national - qui, même dans les pays les plus pauvres, représente la grande majorité du financement de l'éducation (estimé à 97 %). Malheureusement, la communauté internationale se concentre surtout sur les 3 % de financement qui proviennent de l'aide et des prêts.

Il existe un objectif bien établi selon lequel les pays devraient consacrer 20 % de leur budget national à l'éducation - et le Covid-19 ne devrait pas être utilisé pour justifier des réductions. En effet, les progrès vers ces 20 % ou au-delà devraient être accélérés afin de garantir que la prochaine génération ne paie pas le prix de cette crise pendant les années à venir.

Mais 20 % d'une petite tarte est une petite somme. L'appel à l'action explique comment les pays peuvent augmenter la taille de la tarte en prenant des mesures pour accroître les recettes fiscales nationales de manière équitable. Des dispositions simples mais audacieuses visant à réformer les systèmes fiscaux pourraient permettre aux pays de doubler leurs dépenses en matière d'éducation, de santé et d'autres services.

Il est de plus en plus reconnu que le monde est confronté à une nouvelle crise de la dette - que la Covid-19 pourrait aggraver. Il est donc essentiel d'agir afin d'éviter que les gouvernements utilisent leur recette pour rembourser d'anciennes dettes au lieu d'investir dans une réponse globale à la pandémie. En 2020-2021, les pays en développement paieront près de mille milliards de dollars au titre de la dette, des fonds qui sont nécessaires de toute urgence pour investir dans la santé et l'éducation. Un nouveau processus mondial d'annulation ambitieuse de la dette est requis, avec la réunion du G20 en novembre, qui sera l'occasion de faire une énorme différence.

Malheureusement, les systèmes d'éducation et de santé de nombreux pays ont souffert de décennies d'austérité, souvent sous la pression et les conseils politiques coercitifs du FMI. Par exemple, il est urgent de revoir les contraintes imposées par le FMI sur la masse salariale du secteur public (imposées dans 78 % des pays au cours des trois dernières années), qui empêchent le recrutement des enseignants dont on a un besoin urgent.

Bien sûr, l'aide a un rôle à jouer et il est nécessaire d'inverser les récentes diminutions des dépenses d'aide - et de s'assurer qu’elle cible les pays qui en ont besoin, plutôt que d'être allouée en fonction des intérêts commerciaux et de sécurité des pays donateurs. L'aide doit également être harmonisée derrière le renforcement des systèmes d'éducation publique - et non fragmentée en milliers de petits projets non durables.

Ces mesures concernant les parts budgétaires, la fiscalité, la dette, l'austérité et l'aide sont importantes, mais nous devons également veiller à ce que toutes les ressources soient effectivement dépensées et responsables. Pour mieux reconstruire l’après Covid-19, il faut maximiser le potentiel d'égalisation des systèmes éducatifs - en s'attaquant activement aux obstacles qui bloquent les filles ou les enfants handicapés. En l'absence de plans et d'allocations budgétaires conscients visant à accroître l'équité, les systèmes éducatifs peuvent facilement devenir une partie du problème, reproduisant et perpétuant les inégalités.

Il s'agit d'un programme de transformation du financement de l'éducation, qui bénéficie du soutien du monde entier. À dix ans seulement de l'échéance fixée pour la réalisation des objectifs de développement durable, faisons en sorte que la crise de la Covid-19 représente un tournant positif, en mettant en place des systèmes d'éducation publique financés de manière durable qui puissent contribuer à l'édification d'économies et de sociétés véritablement soucieuses des personnes et de la planète.