Le financement de l’éducation est un défi mondial majeur en 2025, marqué par des coupes budgétaires et une réduction des financements internationaux. Dans le cadre du cycle « Champions de l’Éducation » 2025, plusieurs experts analyseront les tendances actuelles et les solutions pour un financement adéquat de l’éducation.
Après deux premières sessions dédiées aux modalités de financement des systèmes éducatifs (13 mars) et au Nexus humanitaire-développement : comment garantir la continuité des financements éducation? (12 juin), la troisième session a porté sur L’alignement des financements éducation : regards croisés au Burkina Faso.
Dans un contexte mondial de baisse drastique des financements à l’éducation, l’alignement des financements éducation devient un enjeu crucial. Ce webinaire, modéré par Rohen d’Aiglepierre (coordinateur Education de base, Division Éducation, Formation, Emploi de l'Agence Française de Développement) a examiné cette problématique à travers la présentation d’un travail de recherche conduit par l’IIPE-UNESCO, l’AFD et le PME Renouveler les promesses d’efficacité des financements internationaux pour transformer l’éducation (note d’orientation parue en juin 2025, synthèse finale à paraître fin 2025) sur la mise en œuvre des principes de l’efficacité des financements du développement dans l’éducation depuis 2005 avec un focus croisé sur le Burkina Faso.
La session a débuté par une présentation des constats tirés de la note d’orientation Renouveler les promesses d’efficacité des financements internationaux pour transformer l’éducation par Jean-Claude Ndabananiye (responsable des financements de l'éducation de l’IIPE-UNESCO). L’idée de ce travail de recherche était de tirer le bilan de la Déclaration de Paris de 2005 qui posait cinq principes, dont les trois principaux étaient le principe d'appropriation, qui veut que les pays bénéficiaires des financements soient vraiment maîtres de leur destin et soient dans le siège conducteur de la définition des objectifs éducatifs, l'alignement, qui veut que les bailleurs ou les donateurs internationaux utilisent les systèmes nationaux pour acheminer ces financements en s'alignant sur les processus nationaux et ensuite l'harmonisation qui est plutôt au niveau des bailleurs pour qu'ils se coordonnent entre eux afin de réduire la charge exercée sur les administrations publiques des pays recevant les financements. Dans un contexte de réduction des financements, l’idée était donc de questionner l’efficacité de ces financements et des interventions.
Selon Jean-Claude Nbananiye, ce que l’on constate aujourd’hui c’est une « prolifération des acteurs extérieurs » mais « l'augmentation du nombre d'acteurs donateurs n'a pas coïncidé avec l'augmentation du volume » des financements. Cela ajoute « des pressions encore accrues sur les systèmes éducatifs où de nombreux pays sont obligés de gérer un nombre croissant de partenaires, des partenaires qui ne travaillent pas toujours ensemble ». La norme reste l’aide projet.
Jean-Claude Ndabananiye a ensuite présenté les quatres obstacles à l'alignement des financements:
Avant de laisser réagir Séni Ouédraogo (Secrétaire permanent du PSDEBS) et Tahirou Traoré (coordinateur de la CN-EPT Burkina Faso), Rohen d’Aiglepierre a rappelé que le Burkina Faso est un cas très intéressant car le pays est doté d’un fonds commun appelé CAST (Compte d’affection spécial du trésor).
Dans son intervention, Séni Ouédraogo a témoigné : « l'on constate le plus souvent lorsque le donateur ou le partenaire arrive, notamment pour le cas du Burkina, qu’il ne s'aligne pas entièrement et complètement aux priorités ». Malgré le CAST, certains partenaires « au lieu de mettre l'ensemble des ressources dans le panier commun, mettent de côté quelques ressources qu'ils gèrent sous forme de projet ». Tahirou Traoré a ajouté « qu’il y a souvent des décisions [de partenaires] qui vont à l'encontre de certaines priorités [nationales] » or pour lui il faut que « les priorités nationales soient au cœur, en tout cas, des investissements ».
Dans la deuxième partie de la session, Christophe Deconinck (consultant financement de l’éducation à l’IIPE-UNESCO) a présenté les quatres catégories de recommandations issues de la note d’orientation :
Suite à la présentation des recommandations de la note d’orientation, nous avons demandé un retour d'expérience à la Fondation Gates. La philanthropie devient en effet un acteur non négligeable dans le financement de l’éducation avec ses propres objectifs, ses propres modalités et nous avons voulu les questionner sur l’enjeu de l’alignement. Pour Clio Dintilhac (Senior Program Officer in Global Education à la Fondation Gates), les principaux partenaires n’ont « plus le luxe de travailler en silo » dans le contexte actuel. « L'avantage des fondations, c'est qu'avec nos moyens limités face aux bailleurs bilatéraux, on n'avait jamais vraiment l'option de ne pas être aligné, parce que pour être catalytique, il faut être aligné. [...] L'alignement, c'est bien, mais peut-être que l'alignement ce n'est pas assez ». « Il est aussi essentiel de travailler avec les gouvernements, donc c'est un et, ce n'est pas un ou, et en particulier ceux qui ont la volonté politique et ceux qui sont dans une dynamique de changement. C'est précisément pour cela que nous lançons plus tard cette année une initiative qui s'appelle FLIGHT, Foundational Learning Initiative for Government-led Transformation, en partenariat avec ADEA et Human Capital Africa, une organisation régionale, et en collaboration avec d'autres philanthropies. FLIGHT, c'est l’idée d'amener des sommes cathartiques pour appuyer les gouvernements qui montrent du leadership [...] et d'offrir de l'assistance technique ».
Tahirou Traoré a ensuite soulevé la pertinence des recommandations présentées mais a rappelé que « ce qui est nécessaire ici, vraiment, c'est d'impulser une dynamique collective, c'est-à-dire qu'on puisse effectivement mettre l'enfant [et l’éducation] au centre de tout ce que nous faisons ». Or il a déploré que pour des raisons géopolitiques ou d’intérêts propres, certains partenaires se retirent du processus d'alignement des financements ou bien le contournent. Séni Ouédraogo va également dans ce sens. Sur la question d’assurer l'alignement dans un contexte de résilience, il a souligné que « le fait de déconcentrer le pouvoir de gestion et d'action du niveau central vers le niveau déconcentré » contribue grandement à la résilience.
En conclusion, Rohen d’Aiglepierre a rappelé que dans le contexte actuel il faut « aligner le financement de l'éducation sur le leadership national et le renforcement des systèmes » et dans le même temps il y a besoin « d'accroître et de diversifier les financements ». Il a conclu en soulignant qu’« un processus [...] est en cours avec énormément d'organisations et de partenaires pour vraiment travailler cet enjeu de l'efficacité des interventions dans le domaine de l'éducation ».
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