[Tribune signée par 83 OSC dont la Coalition Education, et publiée dans Jeune Afrique]
Alors que le sommet de la Francophonie se tient à Paris et Villers-Cotterêts cette fin de semaine, Emmanuel Macron accueille une nouvelle fois des chefs d’État du monde entier. Nous, organisations de la société civile, nous interrogeons : quelle sera la prochaine promesse non tenue ?
Ces derniers mois, la France s’est tristement illustrée par son renoncement à faire preuve de solidarité auprès des populations les plus pauvres de la planète. Coupes budgétaires après coupes budgétaires, en quelques mois à peine, près de 2 milliards d’euros seraient amputés à l’Aide publique au développement (APD) si le nouveau gouvernement suit les lettres plafonds établies par le gouvernement démis.
La France, qui vient de marquer les esprits du monde entier par l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, symboles de solidarité et d’inclusion, serait ainsi prête à sabrer plus d’un quart de ses financements à la solidarité internationale. Cela irait à l’encontre de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales de 2021, votée à l’unanimité, et des engagements internationaux de la France, mettant en péril le soutien à des millions de personnes vulnérables.
Nos organisations, chaque jour sur le terrain, font face aux ravages des inégalités et de la pauvreté partout dans le monde et se trouvent aujourd’hui désemparées et dans une incompréhension totale quant à ces récentes décisions. En effet, en 1970, la France s’était engagée devant l’ONU à mobiliser l’équivalent de 0,7% de son revenu national brut (RNB) au profit de la solidarité internationale. Or la France n’a jamais honoré cette promesse et semble même l’avoir oubliée puisque l’Aide publique au développement de la France a chuté à 0,5 % de son RNB en 2023.
Pourtant les besoins, eux, ne chutent pas. Ils s’accélèrent même dans certains pays face aux changements climatiques et à la hausse des conflits armés. Dans le monde, 1 personne sur 9 souffre de la faim. 250 millions de filles et de garçons n’ont pas accès à la scolarité. Depuis plusieurs semaines, la propagation du virus Mpox mobilise plus que jamais les associations sur le terrain. Face à ce creusement des inégalités et au recul du respect des droits, l’APD est une grande part de la solution, qui a depuis longtemps fait ses preuves. Au service d’une coopération en dehors des marchés financiers, l’APD fournit l’aide humanitaire, soutient des projets d’adaptation climatique, promeut les services sociaux ou bien renforce les organisations de la société civile. C’est un investissement essentiel pour notre avenir collectif, à toutes et tous.
Aujourd’hui, la France brandit son déficit pour justifier de nouvelles baisses de l’Aide publique au développement. Mais pour construire un budget, d’autres solutions que les coupes budgétaires existent. Alors qu’une partie de ses recettes est directement affectée à la solidarité internationale, la taxe sur les transactions financières est une solution idéale pour lever des fonds afin de soutenir les populations les plus vulnérables.
Pourtant, si nos organisations ont applaudi sa mise en place en 2012, elles n’ont cessé de dénoncer les faiblesses de cet impôt à cause du maigre taux de 0,3 % (contre 0,5 % au Royaume-Uni) et de l’exemption du trading à haute fréquence. Un récent rapport de l’ONG Action Santé mondiale a même prouvé que de graves failles dans le recouvrement de la TTF faisaient perdre entre 1 et 3 milliards d’euros à l’État chaque année !
La taxe de solidarité sur les billets d’avion représente, elle aussi, une mesure juste pour financer la solidarité internationale. Son barème pourrait être revu à la hausse, par exemple sur le modèle du Royaume-Uni, ce qui augmenterait de plus de 3 milliards d’euros supplémentaires par an ses recettes.
Alors que le gouvernement parle de dérapage budgétaire inattendu, la coupe annoncée dans le financement de la solidarité internationale est en réalité une décision politique majeure. Avec le projet de loi de finances à venir, la France ne peut pas prendre la décision funeste de faire des économies sur le dos des plus vulnérables de cette planète. Au lieu du repli sur soi, la France peut réaffirmer sa volonté de soutenir les femmes et les hommes frappés par la pauvreté et imposer enfin une taxe sur les transactions financières ambitieuse qui sauve et change des vies. La France peut réaffirmer qu’elle est une nation qui mise sur la coopération entre les peuples et non un État qui piétine les valeurs de solidarité et d’humanité.