Déclaration. Les organisations de la société civile demandent aux investisseurs dans Bridge International Academies de se désinvestir immédiatement

Les organisations de la société civile appellent les autres investisseurs dans Bridge International Academies à se désinvestir d'urgence et à répondre aux préoccupations soulevées.

La Coalition Éducation est signataire aux côtés de 44 organisations de la société civile d’une déclaration collective appelant les investisseurs de Bridge International Academies/New Globe à se désinvestir immédiatement et à répondre publiquement aux conclusions du dernier rapport du CAO.

En effet, ces organisations de la société civile reçoivent avec inquiétude le rapport d'enquête de conformité du Bureau du conseiller-médiateur (Compliance Advisor Ombudsman, CAO) sur l'investissement de la Société financière internationale (SFI) de la Banque mondiale dans les Bridge International Academies (BIA, également connues sous le nom d'écoles NewGlobe), et reconnaissent ses graves conclusions concernant les allégations d'abus sexuels sur des enfants dans la chaîne d'écoles à but lucratif de l'entreprise au Kenya. 

Le rapport indique clairement que les manquements de la SFI en matière de diligence raisonnable et de supervision ont entraîné des dommages irrévocables pour les étudiants, notamment "des dommages aigus et à long terme pour le développement physique, cognitif, social et émotionnel [des survivants], en plus des désavantages économiques dus à la perte de productivité, à l'invalidité et à la diminution de la qualité de vie". 

De manière cruciale, le rapport nous oblige à considérer le rôle des investisseurs publics et privés, actuels et passés, dans les BIA. Ces derniers ont contribué, par leurs investissements, à faire des BIA le plus grand réseau d'écoles privées à prix bas d'Afrique et sont donc également responsables par extension. Parmi ces investisseurs figurent British International Investment, PROPARCO, la Banque européenne d'investissement, Norfund, entre autres, incluant des investisseurs privés. 

Le CAO a constaté que la SFI n'avait pas pris en compte ou évalué les risques et les impacts potentiels d'abus sexuels sur les enfants, malgré les préoccupations contextuelles connues. En outre, la SFI n'a pas analysé la capacité de BIA à faire face à ces risques et n'a proposé aucune mesure d'atténuation ou de réparation une fois que les cas d'abus sont apparus ou ont été signalés. En résumé, les mécanismes indépendants de plainte et de responsabilité ont conclu que la SFI n'avait pas évalué, suivi et supervisé efficacement son client, BIA. Bien qu'elle ait eu connaissance de multiples cas d'abus sexuels sur des enfants, la SFI n'a pas établi de priorités, n'a pas poursuivi ou demandé de mesures correctives avant de se retirer de son investissement. Nous craignons que les échecs de la SFI se reflètent dans l'approche utilisée par d'autres investisseurs. 

Nous notons que la SFI a élaboré un plan d'action qui répond à la plupart des recommandations du CAO. Il reste cependant muet sur les compensations financières et les recours spécifiques pour les survivants, bien qu'il s'agisse d'une meilleure pratique et d'un élément de recours dans la législation sur les droits de l'Homme. D'autres investisseurs seront également tenus de contribuer à la réparation des préjudices subis. 

En raison de la gravité des résultats, les organisations signataires appellent :

Les investisseurs à :

● Répondre publiquement aux conclusions du rapport du CAO et prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier au préjudice causé ;

● Fournir un compte rendu complet de leur diligence raisonnable et de leur supervision des investissements de Bridge International Academies à ce jour et des mesures qu'ils prendront pour améliorer la supervision et la responsabilité à l'avenir ;

● Décrire les mesures qu'ils prendront pour remédier aux préjudices subis par les élèves, notamment en contribuant à l'indemnisation financière et à la réadaptation des survivants ;

● Quitter de manière responsable leurs investissements directs ou indirects dans Bridge International Academies, là où les investissements sont encore actifs, et ;

● Décrire comment leurs stratégies de prêt pour l'éducation de la maternelle à la terminale seront modifiées à la lumière des conclusions du rapport.

La SFI à :

● Décrire publiquement les mesures qu'elle a prises pour contacter d'autres investisseurs des Bridge International Academies, partager ses conclusions et discuter d'actions collectives en vue d'offrir des solutions aux survivants.

La branche de la Banque mondiale chargée du secteur public à :

● Renforcer et étendre son soutien aux pays touchés par l'investissement (Kenya, Liberia, Nigeria et Inde) afin de les aider à remplir leurs obligations constitutionnelles de fournir une éducation publique gratuite et de qualité à toutes et tous, en particulier dans les zones mal desservies.

Les pays où les écoles BIA/NewGlobe fonctionnent encore (c'est-à-dire l'Ouganda, le Kenya, le Libéria et le Nigéria) à :

● Examiner les conclusions du présent rapport et veiller à ce que les ministères de l'Éducation respectifs prennent les mesures nécessaires, conformément aux lois et aux normes nationales, pour mettre les Bridge International Academies en conformité ou pour fermer les écoles dans les délais prévus par la loi.

 

 

Notes:

● La SFI s'est désengagée de BIA et a gelé tous les investissements dans les écoles privées de la maternelle à la terminale en mars 2022, suite aux efforts concertés des organisations de la société civile pour faire connaître les impacts négatifs des écoles privées commerciales et à but lucratif dans l'éducation, en particulier leurs impacts sur l'inégalité et l'exclusion ainsi que leur manque persistant de conformité avec les normes d'éducation au Kenya.

● Le Bureau du conseiller-médiateur en matière de conformité (CAO) est le mécanisme de responsabilité indépendant pour les projets soutenus par la Société financière internationale (SFI). En septembre 2020, le vice-président du CAO a lancé une enquête portant spécifiquement sur les problèmes d'abus sexuels commis sur des enfants au sein de Bridge International Academies.

● La SFI s'est engagée à mettre en place des interventions axées sur les survivants, telles que des conseils et un soutien sanitaire pour les survivants de violence sexuelle ou sexiste (couvrant au-delà des étudiants de Bridge International Academies) dans les communautés avec lesquelles BIA opère, ainsi que des interventions basées sur la communauté. Les engagements institutionnels pris comprennent l'examen par la SFI de l'ensemble de son portefeuille pour détecter les risques de violence sexuelle et sexiste ; l'examen des dispositions environnementales et sociales (E&S) dans ses accords d'investissement ; la mise à jour de l'examen, du suivi et des rapports E&S ; la formation obligatoire et la sensibilisation de tout le personnel de la SFI exerçant des responsabilités dans des projets, entre autres.