Les écoles privées renforcent les inégalités en Afrique francophone

Le manque de régulation des écoles privées par les Etats dans 4 pays d’Afrique francophone creuse les inégalités pour les familles et contraint les enseignant.e.s à des conditions de travail précaires, dénonce la Coalition Éducation, GI-ESCR et leurs partenaires du Réseau francophone contre la marchandisation de l’éducation, dans une analyse croisée.

L’analyse constate « une régulation insuffisante des établissements privés ». Dans la  Commune III de Bamako au Mali, seulement 30 à 40% des établissements d’enseignement privés visités respectent le cahier de charges permettant d’obtenir l’autorisation d’ouvrir une école privée. Pourtant, ces établissements continuent de fonctionner sans inquiétude. Au Sénégal,  5% des écoles étudiées fonctionnent sans autorisation et au moins une école primaire dans chacune des zones enquêtée en Côte d’Ivoire. Les inspecteur·rice·s de l'Éducation nationale interrogé·e·s au Sénégal évoquent des limites liées à la logistique et au ratio inspecteur·rice·s/enseignant·e·s qui peut égaler 1/200 dans certaines localités.

« Les frais de scolarité dans les établissements privés sont élevés, facteurs d’inégalités socio-économiques et de discrimination » témoigne l’analyse. Au Sénégal, les frais de scolarité les plus élevés dans le privé peuvent représenter jusqu'à 20% du revenu brut moyen par habitant·e. À cela s’ajoute, des charges diverses (fournitures scolaires, etc.) rendant la scolarisation hors de portée pour les ménages à faible revenu. Cette situation creuse les inégalités et provoque une classification des familles selon leur statut socio-économique. Pour autant, les parents n’ont pas d’autres choix. Selon l'étude, ils sont « forcé·e·s de choisir l’enseignement privé par manque d’établissements publics ». En Côte d’Ivoire, parmi les parents d’élèves interrogé·e·s, 44% au primaire et 36% au secondaire affirment qu’il n’existe pas d’école publique à proximité de leur domicile. Ceci est notamment lié à une forte baisse, depuis 1992, du budget de l’Etat  à l’éducation, qui représente à peine 4% du PIB. Au Sénégal, 74% des parents interrogé·e·s déclarent scolariser leurs enfants dans des écoles privées par obligation.

Les recherches révèlent également des « conditions de travail précaires pour les enseignant·e·s des établissements privés ». Alors qu’à Madagascar, les critères de recrutement des enseignant·e·s n’exigent pas de qualifications académiques, au Mali, plusieurs écoles privées souffrent d’une insuffisance chronique d’enseignant·e·s qualifié·e·s, due à une rémunération insuffisante. En Côte d’Ivoire, 87% des enseignant·e·s du primaire privé interrogé·e·s affirment que leur rémunération n’est pas conforme à la convention en vigueur entre l’État et les promoteur·rice·s privés laïcs. 80% d’entre eux indiquent également n’avoir pas reçu de rémunération durant la COVID-19. L’analyse dénonce « une protection sociale insuffisante et une non jouissance du droit syndical pour les enseignant·e·s. ». Au Mali, dans la commune III de Bamako, 72% des enseignant·e·s des établissements répertoriés sont recruté·e·s sur la base d’un contrat verbal et seulement 28% ont un contrat conforme aux dispositions de la loi.

Face à ces constats alarmants, les organisations de la société civile appellent les États à augmenter le financement de l'éducation publique, à améliorer les conditions des enseignant·e·s et à renforcer la régulation des établissements privés afin de garantir une éducation gratuite inclusive de qualité

L’analyse « Etat des lieux de la privatisation de l’éducation en Afrique francophone » est issue de recherches menées par les organisations de la société civile du Sénégal (COSYDEP), de la Côte d’Ivoire (MIDH), de Madagascar (CONAMEPT) et du Mali (TRIJEUD).