Rapport sur les « menaces » de la privatisation de l'éducation en Mauritanie

Le dernier rapport de l’Association des Femmes Chefs de Familles, la Coalition des Organisations Mauritaniennes pour l’Education et la Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, publié cette semaine pointe les  « menaces » qui pèsent sur le droit à l’éducation en Mauritanie lié au développement rapide et au manque d’encadrement des acteurs privés dans l’éducation, ces 20 dernières années.

Le rapport dénonce la marchandisation croissante de l’éducation à travers notamment la vente aux enchères de terrains d’écoles publiques au profit de leur transformation en lieux commerciaux, et un taux d'accroissement des effectifs des élèves de 6% pour le privé contre 3% pour le public, pour la période entre 2011 et 2017.

La déscolarisation permanente d'un nombre estimé à des milliers d'enfants

« L’Etat mauritanien a organisé en 2016 la vente aux enchères, sans consultation publique préalable, de six terrains sur lesquels se situaient des écoles publiques, dans le centre-ville de Nouakchott. » révèle le rapport. Cela a conduit à la déscolarisation permanente d'un nombre estimé à des milliers d'enfants. L’État n’a pas été en mesure de préciser pourquoi de telles mesures ont été prises ou si des mesures de précaution ont été adoptées pour éviter la perte de l’accès à l’éducation de ces enfants.

Une éducation ségrégée, discriminante et de faible qualité 

« Ces dynamiques entrainent plusieurs conséquences négatives pour la réalisation du droit à l’éducation, comprenant un faible taux d’accès à l’éducation pour les populations les plus pauvres, un système qui est de plus en plus ségrégé et discriminant en fonction d’origines sociaux économiques, de mauvaises conditions de travail pour les enseignants, et une faible qualité d’éducation dans le secteur public comme dans le secteur privé. »  affirme le rapport.

Seules les personnes les plus aisées en Mauritanie (20%), qui sont en mesure de dépenser quatre fois plus pour l’éducation primaire que les familles les plus pauvres (40%), peuvent inscrire leurs enfants dans des écoles privées de bonne qualité. Même lorsqu’il s’agit des écoles dites à « bas coûts », avec des frais de scolarité promus comme faibles, ceux-ci restent un obstacle à l’accès à ces écoles pour beaucoup de familles. Ces frais d’inscriptions peuvent être une raison majeure de déscolarisation pour les familles ne pouvant les payer.

Un système éducatif publique délaissé

La part du PIB consacrée à l’éducation par la Mauritanie a évolué entre 2,5 et 3,5% du PIB entre 1999 et 2013, avant de redescendre à 2,63% en 2016. Ces chiffres sont loin des normes minimales acceptées au niveau international, soit 6% du PIB et 20% des dépenses publiques. Ils sont également bien inférieurs aux pays voisins, comme le Sénégal, qui consacre plus de 7% de son PIB et plus de 20% de ses dépenses publiques à l’éducation depuis 2013, ou le Maroc, qui est au-dessus de 5% du PIB pour l’éducation. Alors que le nombre d’élèves augmente d’année en année, le nombre de salles de classe dans les écoles publiques a diminué de 1% depuis 2011.

Le rapport conclut avec plusieurs recommandations pour le gouvernement mauritanien comprenant l’augmentation du budget alloué à l’éducation au niveau des standards internationaux, le suivi et la régulation des acteurs privés dans l’éducation en accord avec les obligations du pays en matière de droits humains, notamment en suivant les Principes directeurs des droits humains sur les acteurs privés dans l’éducation à venir, et l’amélioration des modalités d’accès à l’état civil, indispensable pour inscrire un enfant à l’école.