CHARTE

Notre charte de positionnement

L’objet de cette charte est d’énoncer la vision de l’éducation dans laquelle notre coalition et ses membres se reconnaissent, ainsi que les valeurs et principes qui sous-tendent notre action. Notre objectif est de promouvoir le droit de toutes et tous à une éducation de qualité, partout dans le monde, à travers la sensibilisation du grand public et la mobilisation des responsables politiques pour intégrer davantage ces enjeux dans les politiques de coopération et de solidarité internationale.

La Coalition Éducation, qui se veut apolitique et laïque, a vocation à réunir toutes les organisations de la société civile françaises, d’envergure nationale et ayant une action de solidarité internationale, adhérant aux principes décrits dans cette charte et souhaitant contribuer à une mobilisation collective en faveur du droit à l’éducation.

L’héritage du mouvement global en faveur de l’Education pour tous

La mobilisation de la société civile internationale pour l’éducation s’inscrit dans la poursuite du mouvement Education pour tous, lancé en 1990 lors de la Conférence mondiale de Jomtien en Thaïlande. Celui-ci s’est amplifié en 2000 lorsque le Forum mondial sur l’éducation de Dakar, réunissant des centaines de gouvernements et organisations de la société civile, a affirmé un consensus global sur ce que signifierait garantir l'éducation pour tous, à travers six objectifs dont deux – l’éducation primaire universelle et l'égalité des sexes dans l'éducation – ont été repris dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) définis par la communauté internationale en 2000 également.

C’est dans ce contexte qu’a été constituée en 1999 la Campagne mondiale pour l’éducation (CME), alliance internationale de la société civile engagée pour la promotion du droit de chacun et chacune à une éducation publique de qualité, et dont des coalitions nationales existent aujourd’hui dans plus de cent pays. La Coalition Éducation est, en France, le relais de la CME, à laquelle elle est affiliée en tant que coalition nationale par l’intermédiaire de l’association Solidarité Laïque, membre officiel de la CME depuis 2004.

Alors que les processus de Dakar et des OMD ont touché à leur fin, la période « post-2015 » s’ouvre sur une mobilisation sans précédent de la société civile internationale pour définir un agenda global pour l’éducation clair et ambitieux. Le Forum mondial sur l’éducation d’Incheon en Corée (mai 2015) a été l’occasion de réaffirmer la continuité du processus depuis Jomtien et Dakar, et de mettre l’éducation au coeur des négociations internationales pour le développement durable post-2015 sous l’égide des Nations Unies. Ces efforts ont abouti à l’adoption fin 2015 du cadre d’action « Education 2030 », après celle des nouveaux Objectifs de développement durable (ODD) parmi lesquels l’ODD #4 « Assurer l'accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d'égalité, et promouvoir les possibilités d'apprentissage tout au long de la vie ».

Cet héritage historique constitue un référentiel incontournable dans lequel la Coalition Éducation se reconnaît, et le socle sur lequel fonder sa contribution à une mobilisation mondiale pour l’éducation.

Charte de positionnement – Janvier 2016

L’éducation est un droit humain fondamental

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme énonce que « l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales (…) ». L’éducation est ainsi à la fois un droit fondamental reconnu par de nombreux traités et conventions internationaux ainsi que par la quasi-totalité des constitutions nationales, et un levier qui renforce la capacité des peuples à obtenir et exercer d’autres droits.

Selon le concept des « 4A » développé par Katarina Tomasevski, ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’éducation, l’éducation doit être accessible (accessible), disponible (available), acceptable (acceptable) et adaptable (adaptable).

  • Accessible : un système éducatif accessible à tous, sans discrimination, notamment envers les personnes les plus vulnérables ou marginalisées, y compris en situation de conflit ou de catastrophe naturelle ;
  • Disponible : une éducation gratuite financée par les gouvernements, des structures adaptées et sûres, et des enseignants et éducateurs formés et qualifiés ;
  • Acceptable : des contenus éducatifs pertinents, non-discriminants, culturellement appropriés et de qualité ;
  • Adaptable : une éducation évoluant selon les besoins de la société, contribuant à réduire les inégalités, telles que l’inégalité de genre, et s’adaptant aux contextes locaux spécifiques.

Une éducation de base de qualité intègre la petite enfance

Promouvoir l’éducation dès la petite enfance est primordial pour le développement de l’enfant, sa protection, sa socialisation et pas uniquement dans une vision réduite à faciliter la transition éducative vers le niveau primaire.

Tous les enfants, filles et garçons, doivent avoir accès à une éducation de base de qualité gratuite et obligatoire incluant au moins une année de préscolaire, un cycle complet d’enseignement primaire et un premier cycle d’enseignement secondaire. Ces années d’éducation de base doivent s’insérer dans un continuum éducatif, avec des opportunités d’apprentissage tout au long de la vie, sous forme d’éducation formelle ou non-formelle, de qualité et à un coût abordable.

L’éducation englobe l’apprentissage tout au long de la vie

Au-delà de la simple équation « éducation = acquisition de compétences de base et/ou nécessaires à l’emploi », l’éducation doit être entendue comme la clé pour apprendre et comprendre comment relever les défis du vivre-ensemble.

Nous portons une vision de l’éducation globale et élargie : tout individu, à n’importe quel moment de sa vie, a le droit d’apprendre et de valoriser ses apprentissages depuis l’éducation et la protection de la petite enfance jusqu’à l’enseignement secondaire et supérieur, sans oublier l’apprentissage non formel sur les lieux de travail et dans les autres espaces de la vie personnelle et professionnelle.

Charte de positionnement – Janvier 2016

La notion d’inclusion est au coeur de la définition de l’éducation de qualité

Tous les apprenants sont concernés par l’approche inclusive, qui doit couvrir les conditions d’accès à l’éducation, mais aussi la qualité de l’offre éducative. Cependant les personnes subissant des inégalités de genre, en situation de handicap, les groupes autochtones ou en situation de vulnérabilité doivent bénéficier d’une attention particulière, inscrite dans les politiques publiques et reflétée dans l’élaboration inclusive de ces dernières tout comme dans la composition des instances nationales et locales de gouvernance, et être suivis au moyen d’indicateurs spécifiques pour ne pas être oubliés dans la masse des « exclus ».

En particulier, l’adéquation des infrastructures et du matériel pédagogique aux besoins spécifiques des enfants et apprenants, le caractère non-discriminant des contenus éducatifs et leur adaptation aux contextes spécifiques, l’utilisation des langues maternelles comme medium d’apprentissage, et la sensibilisation et la formation des enseignants et éducateurs, sont d’importants facteurs d’inclusion et d’amélioration de la qualité de l’éducation.

La qualité de l’éducation est une question globale et transversale

Nous plaidons pour une approche large de la qualité de l’éducation, incluant les notions suivantes :

La sécurité doit être assurée non seulement à l’école mais aussi à l’intérieur et aux abords de l’ensemble des lieux d’apprentissage, et revêt à la fois une dimension physique, environnementale, psychologique et sociale. Une attention toute particulière doit notamment être portée aux violences de genre en milieu scolaire.

La formation des personnels éducatifs, et ce tout au long de la vie, est au coeur des enjeux éducatifs et de la responsabilité des Etats en matière de politique éducative. Les enseignants et éducateurs doivent être en nombre suffisant, bien formés, motivés et bénéficiant d’un soutien adéquat pour offrir une éducation de qualité aux élèves. La formation d’enseignantes et d’éducatrices joue également un rôle déterminant dans l’accès et la qualité de l’éducation, et notamment dans la lutte contre les inégalités de genre.

La gouvernance éducative et la responsabilité partagée font partie intégrante de la qualité de l’éducation. Il est primordial d’impliquer les élèves, les parents et l’ensemble de la communauté éducative dans une approche participative pour veiller à la qualité de l’offre éducative.

L’éducation à la citoyenneté, au développement durable et à une culture de paix doit être une priorité fondamentale de l’enseignement, qu’il convient de renforcer de façon générale et dans les contextes locaux spécifiques. Il est primordial que les contenus éducatifs et la formation des personnels intègrent ces notions, ainsi que l’éducation à la santé et le respect de la diversité culturelle, de l’égalité de genre et de tous les droits humains.

L’éducation est la responsabilité centrale de chaque Etat

Comme le confirment de nombreux traités et les cadres de protection des droits humains, les États doivent reconnaître l’éducation en tant que droit humain universel. Les gouvernements sont les premiers responsables pour garantir un enseignement et un apprentissage de qualité, reconnaître les inégalités et les disparités de l'accès à l'éducation lorsqu’elles existent et prendre des mesures explicites pour répondre à ces injustices.

Charte de positionnement – Janvier 2016

Le droit à l’éducation s’inscrit dans le champ des services publics essentiels, permettant à chacun d’accéder à une éducation de base publique obligatoire et gratuite, avec l’objectif de tendre également vers la gratuité dans les niveaux éducatifs supérieurs. Ceci implique pour les Etats de faire de l’éducation une priorité politique et d’être redevables de sa mise en oeuvre.

L’éducation nécessite un financement adéquat, reflet d’une vraie volonté politique

Selon une étude récente de l’UNESCO, même si les gouvernements augmentent considérablement leurs financements domestiques pour l'éducation dans les prochaines années, les nouveaux objectifs globaux de l'Education 2030 ne seront probablement pas réalisés avant 2060, accusant ainsi un retard de 30 ans. Ceci plaide pour un sursaut financier sans attendre.

Nous exigeons que les Etats s’acquittent de leur obligation de financer entièrement l’éducation de qualité pour tous, à la fois par la mobilisation de ressources domestiques, notamment par la mise en place d’une fiscalité juste et équitable, et à travers la coopération internationale.

Les gouvernements doivent consacrer à leur système éducatif une part significative de leur budget national (20%) et de leur produit intérieur brut (6%), en donnant la priorité à l’éducation de base définie comme incluant l'éducation et la protection de la petite enfance, l'éducation primaire, l'éducation secondaire et l'éducation de base des adultes.

Dans le champ de la solidarité internationale, la part de l’aide publique au développement (APD) consacrée à l’éducation de base doit être augmentée pour atteindre 10%, et l’aide humanitaire doit être davantage orientée vers l’éducation dans les situations d’urgence (4% au moins). Des financements innovants et complémentaires doivent être dédiés à ce secteur primordial. De façon générale, les gouvernements doivent fournir au public des informations financières précises et complètes sur l’allocation de leur APD et assurer une participation inclusive et participative des citoyens au processus de décisions budgétaires.