L'éducation de 222 millions d'enfants en situation de crise affectée : la France et ses partenaires doivent prendre des mesures urgentes

[TRIBUNE]

 

222 millions d'enfants et d’adolescent.e.s en situations de crise voient aujourd'hui leur éducation affectée​. Alors que se tient à Paris le Pré-sommet sur la transformation de l'éducation (28-30 juin), la France - qui entre dans un nouveau quinquennat - et ses partenaires doivent prendre des engagements politiques et financiers en faveur des millions d’enfants et de jeunes privés de leur droit à l’éducation, notamment dans les contextes de crise, et mettre l’éducation au cœur de l’agenda humanitaire.

©Isabelle Merny/Aide et Action

Selon les nouvelles estimations mondiales alarmantes de Education Cannot Wait, l'éducation de 222 millions d'enfants et d’adolescent.e.s en situations de crise est affectée. Soit près de trois fois plus qu'en 2016 (75 millions). 

Bien que le financement de l'éducation en situations d’urgence ait augmenté au cours de la dernière décennie, il ne suit pas la croissance rapide des besoins financiers (nouveau rapport du Geneva Global Hub for Education). Selon l'ONU, le secteur de l'éducation est gravement sous-financé, avec à peine 22 % des fonds demandés couverts en 2021. L'éducation en situations d’urgence est encore trop souvent négligée et peu considérée comme un besoin vital.

La COVID-19, les catastrophes climatiques, la crise afghane, le conflit ukrainien et les autres crises oubliées notamment au Sahel, dans la Corne de l'Afrique et au Yémen menacent fortement la stabilité, le développement et la sécurité mondiale. 

Après des années de conflit, la situation au Yémen reste l'une des plus grandes crises humanitaires au monde, or l’éducation en situations d'urgence dans ce pays n'a reçu à ce jour que 37 % des besoins financiers. La prise du pouvoir par les Talibans en août 2021 a également entraîné une grave détérioration de la situation en Afghanistan, y compris du droit à l'éducation, notamment des filles. L'éducation est une priorité indéniable dans le cadre de la réponse humanitaire, et pourtant, à la fin 2021, seuls 24 % des besoins financiers éducatifs du pays étaient satisfaits. Au Burkina Faso, la crise sécuritaire croissante cause la fermeture de plus de 16 % des structures éducatives et affecte 685 000 élèves. L’éducation en situation d’urgence n’a reçu qu’1% des financements nécessaires malgré la situation dramatique qui bouleverse le pays. 

Avant même la pandémie de COVID-19, l'UNESCO estimait que 258 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire et secondaire n'étaient pas scolarisés, dont la moitié se trouvaient dans des pays touchés par des crises. A la fin de 2021, 80 % des pays ont connu une perte d'apprentissage selon l'UNICEF, l'UNESCO et la Banque mondiale. Des efforts spécifiques sont nécessaires non seulement pour fournir un accès à ces millions d'enfants non scolarisés, mais aussi pour aider les enfants à rester à l'école en proposant des programmes de rattrapage et d'accélération. 

Les enfants, leurs familles et l’ensemble des communautés souffrent à des niveaux sans précédent et voient leurs droits fondamentaux bafoués. L'éducation et la protection de l'enfance se détériorent ou disparaissent parfois brusquement, ce qui exacerbe les crises, met à mal les efforts accomplis et menace l’avenir de générations entières. La situation est d’autant plus terrible pour les personnes les plus marginalisées - les personnes handicapées, les filles et les personnes issues de ménages à faible revenu. Assurer la continuité de l'éducation en situation de crise est essentiel et demande la collaboration des différents acteurs et secteurs (santé, nutrition, protection).

La France - aux côtés de ses partenaires - doit réaffirmer l'importance de l'éducation en situations de crise et veiller à ce qu'elle soit correctement soutenue et financée. Ceci est particulièrement urgent dans la période de redressement post COVID-19, afin que les Etats puissent se remettre sur la voie de la réalisation de l'ODD4 d'ici 2030.

Des mesures doivent être prises immédiatement pour transformer et renforcer les systèmes éducatifs afin qu'ils soient résilients face aux urgences et aux crises sanitaires, aux désastres naturels liés au changement climatique et aux conflits. La France et ses partenaires doivent renforcer la collaboration avec les pays à revenu faible et moyen inférieur pour mettre en place des systèmes d'éducation et d'apprentissage tout au long de la vie transformateurs, résilients, sûrs, inclusifs, sensibles au genre et de qualité.