6 raisons pour lesquelles il faut interdire les écoles BRIDGE

La société privée Bridge International Academies (BIA), filiale de l’entreprise américaine NewGlobe Schools Inc., déploie un modèle de chaîne d’écoles à bas coût dans les pays pauvres, dont les pratiques contreviennent aux normes admises pour une éducation de qualité.  Nous devons faire cesser ces violations du droit à l’éducation pour 6 raisons !

1-  Le coût de l’accès à l’éducation

Le coût de la scolarité dans les écoles de BIA peut sembler faible au vu de l’offre présentée par l’entreprise.  Des enseignements proposés contre  6,5 à 8,4 dollars mensuels au Kenya, fournitures et livres inclus. Mais la réalité est bien loin de ces promesses d’une éducation accessible à tous !

Lors de visites sur le terrain au Kenya, on a constaté que ces frais peuvent être beaucoup plus élevés selon les écoles et le niveau de scolarisation. Montants auxquels doivent s’ajouter les frais de nourriture pour chaque jour passé à l’école (7,5 US$ par mois), les frais annuels d’admission, les frais d’examen et le coût de l’uniforme imposé. Résultat : une scolarisation qui s’élève jusqu’à 20 US$  par mois par enfant. Un budget signifiant pour les familles souvent  nombreuses  auxquelles s’adressent BIA en s’implantant dans les quartiers difficiles des pays pauvres.  Rappelons que 50% des foyers kenyans gagnent moins de 75 US$ par mois (données 2012/2013). Le paiement régulier est une condition d’accès aux écoles de BIA pour tous les élèves, et les cas d’exclusion liés à l’impossibilité d’acquitter les droits de scolarité sont nombreux.

2- Le non- statut des enseignants

Les enseignants recrutés par BIA ne bénéficient d’aucun statut, ce qui pose  un réel problème  quant à la reconnaissance de leurs droits. Ils ne disposent en général d’aucune certification, et se voient offrir une  formation de maximum 5 semaines par l’entreprise. BIA affirme rémunérer ses enseignants entre 100 et 120 US$ par mois pour 10h de travail approximativement par jour, 6 jours sur 7. Un salaire nettement inférieur à celui des enseignants du public (titulaires d’une certification après 2 ans de formation)  qui sont payés environ 160 US$. En plus des heures passées à l’école, les enseignants se voient confier la tâche de prospection active de nouveaux élèves (porte à porte).

Outre l’absence de statut reconnu, les enseignants ne bénéficient d’aucune liberté dans l’exercice de leur travail. Tous les contenus éducatifs sont transmis via une application sur tablette numérique qui permet d’imposer un planning prédéfini (identique dans tous les établissements) et de contrôler précisément l’activité de chaque enseignant. Les professeurs ne sont intégrés ni à la conception des contenus ni à celle des activités pédagogiques.

3 - La qualité médiocre des infrastructures éducatives

Les visites effectuées sur le terrain ont permis de constater la qualité globalement médiocre des écoles de BIA : toits en tôle source de forte chaleur, absence d’électricité, mobilier insuffisant pour le nombre d’élèves présents, absence ou mauvaise qualité des sanitaires. Ces caractéristiques sont préoccupantes pour la sécurité des enfants et contreviennent aux  conditions communément admises pour un apprentissage de qualité.

4 – L’inadéquation des contenus pédagogiques

L’approche systématisée de BIA pose de nombreuses questions quant à la qualité des contenus et méthodes d’enseignement, notamment sur le plan de leur adaptation aux spécificités locales, de la nécessaire approche différenciée en fonction du rythme et des capacités des élèves, de l’intégration d’activités favorisant l’initiative et la participation active des élèves, etc.

5 – Le non-respect des normes nationales

Les écoles de BIA ne satisfont pas aux normes nationales des pays où elles sont implantées, et leur implantation se fait parfois contre la volonté de l’Etat et la législation en vigueur.

Au Kenya, la majorité des écoles de BIA ne sont pas enregistrées auprès du Ministère de l’éducation, des sciences et des technologies, et ne remplissent pas les conditions établies par le Ministère pour ouvrir un établissement d’éducation non-formelle (ou « dispositifs alternatif d’accès à l’éducation et à la formation »). En 2014, le gouvernement Kenyan a demandé à la BIA de stopper son expansion dans le pays jusqu’à l’examen de son modèle par les pouvoirs publics, injonction qui n’a pas été suivie d’effet.

En Ouganda, la ministre de l’éducation a pris la décision (confirmée par la Cours Suprême du pays en novembre 2016) de fermer toutes les crèches et écoles de BIA dans le pays sur la base d’un rapport prouvant la négligence des normes nationales. BIA a fait appel de la décision.

6 - La performance très incertaine des écoles

Au-delà des résultats des élèves aux examens mis en avant par BIA et d’une étude financée par l’entreprise elle-même, il est difficile d’obtenir des informations sur les résultats et les potentiels impacts de l’enseignement prodigué dans ces écoles. Il n’existe pas non plus à ce jour d’étude qu’un bailleur/investisseur aurait commanditée en amont d’une prise de participation dans la société BIA. La performance de ces écoles manque d’un dispositif d’évaluation objectif et transparent.

Nous demandons aux gouvernements de s’engager en faveur de la fermeture des écoles de BIA,  qui sont sources d’inquiétude pour les défenseurs de l’éducation de qualité pour tous! Nous demandons également aux bailleurs de ne pas ou plus soutenir le développement de ces établissements, dont l’ambition n’est autre qu’un déploiement rapide à très grande échelle basé sur la rentabilité. Ce soutien ne va pas dans le sens d’un appui aux politiques nationales pour une éducation de base publique équitable et de qualité. En 2015, 120 OSC, dont un certain nombre sont issues des pays d’implantation de l’entreprise, ont signé une déclaration dénonçant le soutien porté par la Banque Mondiale à BIA.