Éducation en situations de crise

Selon les nouvelles estimations mondiales alarmantes de Education Cannot Wait (fond créé en 2016 pour mieux coordonner les aides et encourager les investissements dans l’éducation en situations de crise), l'éducation de 222 millions d'enfants et d’adolescent.e.s en situations de crise est affectée. Soit près de trois fois plus qu'en 2016 (75 millions). 

Bien que le financement de l'éducation en situations d’urgence ait augmenté au cours de la dernière décennie, il ne suit pas la croissance rapide des besoins financiers (nouveau rapport du Geneva Global Hub for Education). L'éducation en situations d’urgence est encore trop souvent négligée et peu considérée comme un besoin vital.

En situation d’urgence - catastrophes naturelles, épidémies, guerres, afflux de réfugiés - l’éducation n’est pas suffisamment priorisée par les interventions humanitaires. Pourtant, le manque de ressources et de capacité locale dans les pays affectés par des crises humanitaires prive les populations les plus démunies d’accès à l’éducation. Selon l'INEE, la durée moyenne d’un conflit est de 10 ans et les familles demeurent en moyenne 17 ans dans un camp de réfugiés ou de personnes déplacées internes (PDI).

Ces dernières années, la COVID-19, les catastrophes climatiques, la crise afghane, le conflit ukrainien et les autres crises oubliées notamment au Sahel, dans la Corne de l'Afrique et au Yémen menacent fortement la stabilité, le développement et la sécurité mondiale. 

Après des années de conflit, la situation au Yémen reste ainsi l'une des plus grandes crises humanitaires au monde, or l’éducation en situations d'urgence dans ce pays n'a reçu à ce jour que 37 % des besoins financiers. La prise du pouvoir par les Talibans en août 2021 a également entraîné une grave détérioration de la situation en Afghanistan, y compris du droit à l'éducation, notamment des filles. L'éducation est une priorité indéniable dans le cadre de la réponse humanitaire, et pourtant, à la fin 2021, seuls 24 % des besoins financiers éducatifs du pays étaient satisfaits. Au Burkina Faso, la crise sécuritaire croissante cause la fermeture de plus de 16 % des structures éducatives et affecte 685 000 élèves. L’éducation en situation d’urgence n’a reçu qu’1% des financements nécessaires malgré la situation dramatique qui bouleverse le pays. 

Avant même la pandémie de COVID-19, l'UNESCO estimait que 258 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire et secondaire n'étaient pas scolarisés, dont la moitié se trouvaient dans des pays touchés par des crises. A la fin de 2021, 80 % des pays ont connu une perte d'apprentissage selon l'UNICEF, l'UNESCO et la Banque mondiale. 

Maintenir et renforcer l’éducation de qualité est pourtant essentiel pour combattre les crises humanitaires. A travers l’éducation, il s’agit de donner aux populations et en particulier les plus jeunes, un soutien psycho-social, un cadre pour la construction de projets individuels et collectifs, ainsi que les connaissances et les compétences pour conserver un espoir en l’avenir. Trop souvent la cible de violences, les écoles et autres espaces d’apprentissage sont pourtant le creuset de sociétés pacifiées, tolérantes et respectueuses des libertés de chacun. Ils constituent par ailleurs pour les garçons comme pour les filles des lieux sûrs contre les dangers liés à un environnement de crise tels que les violences, les mariages précoces ou forcés, le recrutement dans des groupes armés ou le crime organisé. Les écoles sont également le point d’accès à d’autres services essentiels tels que la nutrition, l’eau, l’assainissement et les services de la santé.

L’aide humanitaire est un moyen fondamental pour améliorer l’éducation des populations touchées par les crises. Elle permet de financer les agences intergouvernementales et les ONG opérationnelles sur le terrain dès le début d’une nouvelle crise, et notamment d’organiser des activités éducatives, former des enseignants, distribuer du matériel d’enseignement et d’apprentissage adapté, construire des abris et lieux d’éducation temporaires et reconstruire des écoles. En 2021, le financement du secteur de l’éducation représentait 3,1 % du financement humanitaire global déclaré pour les appels humanitaires sur le Financial Tracking Service (FTS) de OCHA. On estime à 2,9 milliards de dollars le montant annuel nécessaire pour scolariser les enfants et les jeunes dans les pays en conflit. Selon la seule source de données accessibles sur les financements humanitaires (FTS), l’éducation représentait à peine 1.6 % de l’aide humanitaire de la France en 2021, alors qu’elle s’était élevée à 6.48 % en 2020.

Nos recommandations : 

L’augmentation de l’aide humanitaire pour l’éducation est indispensable pour aider les pays touchés par une crise ou accueillant des populations réfugiées sur leur sol à ajuster les politiques d’éducation, améliorer les infrastructures d’apprentissage et donner aux enseignants les moyens d’assurer une éducation de qualité. Pour cela, les pays riches doivent s’engager à :

  • Consacrer au moins 4% de l’aide humanitaire à l’éducation ;
  • En tant que pays d’accueil, intégrer les réfugiés dans leur système d’éducation nationale ;
  • Prendre des engagements pluriannuels ambitieux pour financer le fonds Education Cannot Wait ;
  • Transformer et renforcer les systèmes éducatifs afin qu'ils soient résilients face aux urgences et aux crises sanitaires, aux désastres naturels liés au changement climatique et aux conflits.
  • Renforcer la collaboration avec les pays à revenu faible et moyen inférieur pour mettre en place des systèmes d'éducation et d'apprentissage tout au long de la vie transformateurs, résilients, sûrs, inclusifs, sensibles au genre et de qualité.


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