L'éducation dans le partenariat UA-UE. La France a (encore) un rôle à jouer

Lors du sommet UE-UA, sous la présidence française du Conseil de l'UE, les dirigeant.e.s africain.e.s et européen.ne.s ont adopté « Une vision commune pour 2030 » et annoncé un Paquet d'investissement «Global Gateway» de 150 milliards d'euros, dont une partie visera à renforcer l’éducation et la formation en Afrique. Aux côtés de nos partenaires de la société civile dans le monde, nous saluons la place accordée à l'éducation, comme pilier essentiel du partenariat stratégique renouvelé, mais nous regrettons notamment l’absence de référence aux groupes les plus à risques d’exclusion scolaire. 

Les enfants et les jeunes handicapés, les personnes déplacées, les personnes issues de milieux socioéconomiques défavorisés et les populations indigènes sont absents des déclarations. L’éducation en situations de crise n’est également pas citée, alors qu'au Sahel, plus de 4 millions de filles ont abandonné l’école, et qu’au Mali, Niger et Burkina Faso plus de 5500 écoles sont fermées à cause de la crise sécuritaire.  

Répondre aux besoins éducatifs des personnes confrontées aux obstacles les plus importants à l'éducation est une condition préalable pour réduire les inégalités et ne laisser personne de côté. Ceci doit être fait dans une optique intersectionnelle et multidimensionnelle.

Le langage sur « l'éducation inclusive, équitable et de qualité pour tous », ainsi que les références à « l'éducation de base » et « l'éducation à tous les niveaux » correspondent au positionnement exprimé dans notre déclaration sur l'éducation dans le partenariat UA-UE, publié en amont du Sommet.

Le volet éducation et formation du paquet proposé est structuré autour de quatre initiatives : 1. l'enseignement et la formation professionnels ; 2. l'Initiative régionale des enseignants ; 3. l’appui au Partenariat Mondial pour l'Education pour une éducation de base de qualité pour tous ; et 4. la mobilité des jeunes (en Afrique et entre l'Afrique et l'Europe).

L'enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP), de qualité, sont essentiels pour garantir de meilleures perspectives d'emploi et favoriser l'inclusion. Trop d'enfants et de jeunes n’accèdent pas à des opportunités d’'enseignement inclusif, de qualité dans des environnements protecteurs, tant au niveau du préscolaire, que du primaire et du secondaire. Ainsi, ils ne peuvent pas bénéficier d’opportunités d'EFTP. Il faut s’attaquer à l’exclusion éducative, en commençant le plus tôt possible, afin de réduire les inégalités et d'assurer une chaîne cohérente d'opportunités tout au long de la vie.

Nous saluons l’initiative spécifique sur les enseignant.e.s : des enseignant.e.s bien formé.e.s et motivé.e.s est essentiel à une éducation de qualité et à de meilleurs résultats d'apprentissage, y compris en situations d’urgence. Cependant, les formations doivent être de qualité, continues et basées sur des méthodologies diverses et complémentaires. Une attention particulière doit également être portée au bien-être des enseignant.e.s. Des formations au soutien psychosocial et émotionnel doivent être assurées, notamment en situations d'urgence, afin qu’ils/elles puissent répondre aux besoins d’apprentissage et de bien-être des élèves. Des effectifs suffisants d'enseignant.e.s doivent être assurés dans toutes les zones géographiques, y compris les plus fragiles où la vulnérabilités des enfants est accrue. Ils/elles doivent bénéficier de conditions de travail décentes. La pénurie d'enseignant.e.s entrave la réalisation de l'Objectif de développement durable 4, en particulier en Afrique subsaharienne, où 4,1 millions d'enseignant.e.s supplémentaires sont nécessaires pour parvenir à l'enseignement primaire et secondaire universel.

Un certain nombre d'aspects - en particulier liés au budget - restent flous dans le paquet d'investissement Global Gateway Afrique-Europe. Les ambitions budgétaires ainsi que l'origine des fonds concernant l'éducation et la formation ne sont pas précisées dans les documents finaux, impliquant un manque de transparence. Les annonces semblent être une consolidation et un reconditionnement de programmation géographique.

La déclaration finale du Sommet indique que la vision commune sera mise en œuvre via l'aide publique au développement, mais aussi via les instruments du marché des capitaux. Nous sommes préoccupés par l'utilisation d'outils financiers, tels que les prêts, les garanties pour les investissements privés et les partenariats public-privé. Ces mécanismes peuvent être très risqués et inadéquats lorsqu'ils contribuent au financement des services de base comme l'éducation dans des pays fragiles, entraînant une augmentation de la dette et compromettant la durabilité et l’accès.

Nous sommes également inquiets de l’absence de références au partenariat avec la société civile, à travers les deux continents. L’implication de la SC est indispensable à la mise en œuvre de cette stratégie, à travers des actions centrées sur les personnes et sur leurs besoins.

Nous appelons la France - qui assure la présidence du Conseil de l'UE jusqu'à fin juin - ,au sein de la « Team Europe », à être motrice pour traduire les ambitions en réalité et à mobiliser les ressources adéquates pour ne laisser aucun.e apprenant.e de côté.

Le gouvernement français, quelle que soit son orientation politique, doit jouer un rôle clé pour réaffirmer la place de l'éducation de qualité, inclusive, protectrice, dans la coopération internationale, et en particulier dans les relations Afrique-Europe. Une attention particulière doit être portée sur la région du Sahel qui fait face à une escalade de la violence et à une insécurité alimentaire grandissante.

Nous restons déterminés à renforcer la collaboration entre les secteurs et les acteurs.rices, y compris les enfants et les jeunes, afin de mettre en œuvre conjointement la composante éducation et formation du partenariat renouvelé entre l’Union Africaine et l’Union Européenne.